L’Europe doit continuer unie…

par Miloslav Vlček, Président de la Chambre des Députés (Poslaneckà Sněmovna)

Il ne fait aucun doute que la crise financière mondiale et la récession économique continuent de s’aggraver. Les efforts pour assainir les banques ont coûté des milliards de dollars, mais le travail n’est pas encore terminé. La production industrielle est en déclin, tout comme le secteur du bâtiment, et le chômage est en hausse. Cette crise financière et économique a aussi révélé une crise de notre pensée économique. Nous avons cru que les forces du marché libre permettraient de surmonter les barrières sociales, mais en réalité, la réduction des impôts sur les revenus a accentué les inégalités sociales. La crise a exacerbé les conflits sociaux, érodant la confiance des citoyens dans l’économie, la politique, et la justice. Elle pourrait même engendrer la xénophobie et le nationalisme au sein de l’UE, devenant ainsi une crise politique majeure, menaçant la démocratie et le modèle de l’économie sociale de marché qui fondent notre communauté.

Que peut faire l’Europe face à cela ? Elle doit avant tout rester unie et poursuivre son intégration pour affronter la crise ensemble. C’est pourquoi le Traité de Lisbonne doit entrer en vigueur. Nous avons besoin d’une évolution de nos institutions européennes, plutôt que de l’exhibitionnisme de certains individus irresponsables. Nous devons approfondir notre programme commun de lutte contre la crise. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’une multiplication des obligations administratives et régulatrices, mais d’une meilleure réglementation. Nous devons stabiliser nos institutions financières et restaurer la confiance dans les marchés de crédit. L’Europe doit aussi encourager la demande. Les premières mesures prises dans ce sens sont appréciables, mais il est désormais crucial d’augmenter la coordination au niveau européen. Peut-être est-il temps de lancer de nouveaux programmes européens et d’en définir le cadre financier.

Nous accusons encore un retard dans les investissements pour les nouvelles technologies, et nous avons des taux trop élevés de personnes qui ne terminent pas leur scolarité, sans parler des nombreuses mauvaises écoles. Renforcer les ressources dans ces domaines nous aidera à surmonter la crise actuelle et à prévenir les crises futures. Nous devons également investir davantage dans notre sécurité et développer nos infrastructures. Les intentions ambitieuses en matière d’investissements « verts » ne bénéficient pas toujours du soutien financier nécessaire. Il est possible de définir de nouveaux objectifs dans ces domaines.

Pour trouver une issue, nous n’avons pas besoin d’économistes qui étaient simplement des idéologues des centres financiers et avocats de leurs propres profits. Écoutons les économistes qui défendent les intérêts de l’ensemble de la société. Écoutons les sociologues qui analysent la société et ses phénomènes. Nos mesures concrètes doivent viser les individus, et non des valeurs politiques et économiques abstraites. Nous ne pouvons pas permettre que la crise financière se transforme en crise sociale et politique, ni mettre en danger la démocratie. Comme le dit le proverbe, « À quelque chose malheur est bon ». L’UE et ses États membres devraient utiliser la crise financière pour démontrer leur solidarité interne. C’est cette solidarité et cet engagement envers le projet européen qui nous permettront de surmonter la crise, petit à petit.

La situation actuelle exige que toute notre famille européenne reste unie. Être seul en tant qu’État revient à être faible. L’UE, avec ses 27 pays, représente le groupement le plus puissant au monde. Utilisons cette immense force pour affronter la crise ! Pour la création d’un Sénat européen

par Premysl Sobotka, Président du Sénat (Senàt)

Je souhaiterais me concentrer sur l’avenir de l’Europe jusqu’en 2030. Lors de notre dernière Conférence des Présidents à Paris, nous avons discuté de cette question cruciale. En envisageant l’avenir de l’Europe, il est essentiel d’éviter de nous perdre dans des discours optimistes, des rêves irréalistes et des plans quinquennaux. Ceux d’entre nous qui ont vécu les décennies sous les régimes communistes, avec la centralisation économique, les injonctions étatiques et une bureaucratie rigide, doivent souligner avec force l’importance de ces expériences pour l’avenir de l’Europe. Il est important de le faire même si certains de nos collègues de l’Europe de l’Ouest peuvent parfois trouver ces préoccupations difficiles à comprendre.

Je voudrais citer l’exemple de la République tchèque. L’un de ses anciens Présidents, Václav Havel, avait proposé la création d’un Sénat européen. Cette idée, qui me semble fondée sur une expérience significative des systèmes bicaméraux, mérite d’être examinée sérieusement. Le Sénat, par sa nature, tend à adopter une perspective plus large et se concentre davantage sur les questions fondamentales plutôt que sur les détails spécifiques comme les prix des bananes ou la taille des oignons au vinaigre. Tandis que l’idée de Havel a été largement ignorée, les critiques de Václav Klaus sur certains risques du processus d’intégration européenne ont souvent été mal accueillies.

Je fais référence à ces deux exemples pour souligner que les politiques tchèques sont loin d’être indifférentes aux questions européennes. Au contraire, elles sont profondément engagées. Nous devons discuter sérieusement de la possibilité de créer une seconde chambre au Parlement européen. Cette idée pourrait contribuer à instaurer un véritable équilibre démocratique dans l’espace européen. Il est essentiel d’aborder cette proposition en examinant le rôle potentiel de cette nouvelle chambre, sa structure et ses pouvoirs, tout en étant ouverts à un débat approfondi sur les risques pour la démocratie européenne.

Plutôt que de chercher à attirer l’attention des médias par des critiques superficielles, engageons-nous à réfléchir sérieusement à ces questions. Un Sénat européen pourrait garantir une représentation équitable des États membres de l’Union, assurant ainsi l’égalité entre tous les pays et renforçant la démocratie en Europe. Cela aiderait à éliminer le sentiment de discrimination. En parallèle, nous ne devons jamais sous-estimer le rôle crucial des Parlements nationaux. Ils resteront toujours plus proches des réalités vécues par les citoyens des États membres et continueront de défendre les intérêts de leurs concitoyens contre l’érosion bureaucratique des idéaux fondamentaux de l’intégration européenne. Je suis convaincu que les Parlements nationaux joueront ce rôle essentiel en 2030.

Si nous échouons dans cette tâche, l’Europe risque de devenir grise et peu inspirante, avec une économie faible et des difficultés à relever les défis futurs. La subsidiarité et la proportionnalité sont des principes précieux que nous avons appris sur le chemin européen, et il serait imprudent de s’en éloigner.