Le rôle de l’Europe dans le monde a changé
par Gerdi A. Verbeet, Présidente de la Chambre des Représentants (Tweede Kamer)
Lors de notre dernière rencontre, en plein été il y a six mois, nous avons vu apparaître les premiers signes de turbulences économiques. Aujourd’hui, nous nous retrouvons alors que nous sommes plongés dans une crise économique d’une ampleur presque sans précédent. Ce n’est pas la première récession que nous avons connue…
Nous avons déjà traversé une récession mondiale dans les années 90. Certains pays ont également affronté des difficultés profondes pendant leur transition du communisme aux économies de marché. Cependant, à une échelle mondiale, nous devons remonter aux années 1980 pour trouver une récession d’une telle portée. Je me souviens bien de cette période. En tant qu’enseignante aux Pays-Bas, j’ai vu le chômage atteindre des niveaux élevés, surtout parmi les jeunes. Chaque année, malgré leur dur labeur pour leurs examens finaux, je devais annoncer à mes étudiants que deux ou trois d’entre eux risquaient de ne pas trouver de travail, compromettant ainsi leur avenir professionnel. Résoudre la crise actuelle ne sera pas une tâche facile…
Nous devons éviter les erreurs du passé et prendre en compte les nombreux changements survenus depuis 1981. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde beaucoup plus interdépendant, tant sur le plan économique que politique. Les défis posés par le changement climatique, la sécurité énergétique, le vieillissement de la population et l’essor de pays comme la Chine ou l’Inde sont désormais évidents. Le rôle de l’Europe dans le monde a également évolué.
L’élargissement de l’Union européenne et la création de l’euro ont fait de nous la plus grande économie mondiale et nous ont donné la deuxième monnaie la plus importante. Nous avons maintenant un intérêt commun et la responsabilité de nous impliquer activement dans le processus décisionnel mondial. Cependant, il est crucial de reconnaître que l’Union européenne est unique. Bien que nous ayons partagé de nombreuses responsabilités au niveau de l’UE, comme le commerce, la politique monétaire et la supervision des marchés, nous avons choisi de ne pas mettre en commun des tâches importantes telles que la fiscalité, la politique économique et la supervision financière. Ces arrangements ont leurs avantages, par exemple en maximisant l’engagement des gouvernements et des parlements nationaux. Mais il est essentiel de se rappeler que aucun de nos pays n’est assez grand pour relever ces défis seul. Protéger nos propres marchés et emplois peut sembler une bonne idée, mais dans un monde globalisé, le protectionnisme n’est jamais une solution viable.
Ainsi, la coopération et la coordination doivent être au cœur de notre approche face aux questions fondamentales suivantes :
- Réviser la supervision financière au sein de l’Union européenne, à la lumière du rapport De Larosière.
- Réformer le système monétaire mondial établi par les accords de Bretton Woods.
- Stimuler et réformer l’économie, conformément au plan de redressement de l’économie européenne.
Nous vivons un moment où les modèles économiques sont remis en question : le péril moral, le rôle de l’État dans l’économie, et l’équilibre entre politiques nationales et supranationales. Ces questions ont été vigoureusement abordées par la Commission européenne et encore davantage par la Présidence du Conseil. Depuis octobre dernier, les dirigeants de nos gouvernements ont organisé un mini-sommet en plus des réunions régulières du Conseil. Bien que des décisions majeures soient prises rapidement, il est crucial de maintenir une surveillance continue pour garantir que les mandats démocratiques sont respectés.
Cela est également vrai au niveau national. Dans mon propre pays, le gouvernement a décidé d’allouer des sommes importantes pour sauver les institutions financières. Bien que cette rapidité et cette discrétion étaient compréhensibles et nécessaires, les montants engagés par les contribuables impliquent que les générations futures devront en supporter le coût. Il est donc légitime de se demander si la primauté du Parlement est bien respectée. Nos électeurs sont-ils informés des mesures prises ? Avons-nous débattu dans nos Parlements des positions que nos gouvernements vont adopter ? Les plus petites nations sont-elles suffisamment impliquées dans les décisions du G7, du G8 ou du G20, où elles n’ont pas de rôle formel ?
Ces questions fondamentales méritent des discussions approfondies dans nos Parlements. En tant que présidents des Parlements nationaux, il est de notre responsabilité de veiller à ce que ces discussions aient lieu.
Coopérer plutôt que de faire cavalier seul, promouvoir des marchés ouverts plutôt que fermés, et être sensibles aux intérêts des générations futures : pour les Pays-Bas, ces trois principes sont les clés de cette discussion.