Il faut plus d’Union européenne !

par Vannino Chiti, Vice-président du Sénat de la République italienne (Senato della Repubblica)

Nous vivons actuellement une phase difficile, une crise profonde qui touche les familles, le monde du travail, les jeunes. En plus des tensions sociales, le risque est de dissiper l’espoir dans l’avenir. Pour faire face à cette crise, tels le défi du climat ou le défi énergétique, il faut plus d’Union européenne. Aucun pays ne peut s’en sortir à lui seul. Il faut un plan de développement fondé sur une économie verte, sur la recherche et les infrastructures. Il faut des règles transparente et éthiques pour le monde de la finance. Il faut battre toute idée et pratique de protectionnisme, qui aggraverait la crise et pénaliserait les classes sociales les plus faibles. Les défis font appel à une Europe plus forte et plus unie, capable de jouer le rôle qui est le sien en raison de son histoire, de sa civilisation et de son modèle d’économie sociale de marché. Pour ce faire, l’Europe doit se doter d’institution et de procédures plus efficaces et plus démocratiques. Il importe que le Traité de Lisbonne entre en vigueur au plus tôt; il joue en effet un rôle capital dans le processus de parlementarisation de l’Union.

D’une part, le Traité renforce sensiblement le Parlement européen grâce  à la procédure de codécision qui devient ordinaire pour l’adoption des actes communautaires. D’autre part, il assure aux Parlements nationaux des outils de connaissance et d’évaluation autonomes et supplémentaires par rapport aux instruments provenants de leurs Gouvernements. Il appartient au Parlement européen de s’acquitter de ses tâches de co-législateur, en tenant compte des contributions des assemblées électives nationales. Aux Parlements nationaux, plus proches des citoyens, il revient de discuter et d’évaluer les politiques européennes, avec l’objectif de renforcer dans l’opinion publique le sentiment d’appartenance à l’Europe. La coopération entre les différentes instances parlementaires est la grande route qu’il faut suivre pour consolider l’Union européenne et pour construire une démocratie supranationale. Les Parlements nationaux ne doivent pas être en concurrence avec le Parlement européen et, plus en général, avec les institutions de l’Union. Dans cette optique, les initiatives d’agrégation permanente de Parlements visant à ralentir ou encore  à paralyser le processus législatif communautaire doivent être nécessairement évitées. En revanche, tous les instruments de collaboration et d’information mutuelles doivent être renforcés.

Je me réfère au site IPEX. Réalisée grâce à l’impulsion donnée par la Conférence des Présidents des Parlements de l’Union, cette plate-forme d’échanges électroniques de documents représente un instrument efficace de collaboration, surtout en vue de l’entrée en vigueur de Traité de Lisbonne. Le Sénat italien a accueilli très positivement l’initiative du Président Barroso de transmettre aux Parlements nationaux les propositions et les documents de consultation de la Commission européenne, pour que ceux-ci puissent exprimer leurs observations et leurs avis. Un certain nombre de Commissions parlementaires, notamment la Commission pour les politiques de l’Union européenne, ont commencé à examiner ces propositions, en les évaluant quant au fond et quant au respect du principe de subsidiarité. Un dialogue s’est ainsi ouvert avec la Commission européenne, pendant que, à la lumière aussi de cette expérience, le Sénat se penche sur les modifications de son Règlement qui sont nécessaires pour mettre pleinement en œuvre le Traité de Lisbonne.

Le Sénat italien considère avec intérêt l’implication des pouvoirs locaux prévue par le Protocole sur l’application du principe de subsidiarité et de proportionnalité. En accord avec la Chambre des députés, nous avons récemment constitué un Comité de parlementaires et de Présidents d’assemblées régionales pour développer des procédures gérant les rapports entre les divers niveaux de l’organisation territoriale, liées surtout aux phases « ascendante » et « descendante » de formation du droit communautaire.


Repenser la fonction de nos Parlements dans une dimension européenne

par Gianfranco Fini, Président de la Chambre des députés (Camera dei Deputati)

Face à la gravissime crise globale, il faut prendre conscience que la discussion sur les nouvelles règles de la gouvernance économique et financière ne peut pas être déférée uniquement aux instances techniques spécialisées. En effet, les problèmes posés par la crise concernent tous les citoyens et les perspectives du futur proche. Les Parlements – en tant qu’institution qui représentent la future proche. Les Parlements – en tant qu’institutions qui représentent la société – sont les instances les plus qualifiées pour un large débat et une discussion approfondie. ils peuvent offrir quelque chose en plus en termes de pluralité d’opinions et, surtout, ils peuvent et doivent parler rapidement et honnêtement aux citoyens, en disant clairement que nous nous trouvons face à la première crise globale. Les Parlements ont l’obligation de mettre en exergue que la crise que nous affrontons est unique en son genre et qu’une fois qu’elle aura été surmontée, rien ne sera plus comme avant. En effet, une certaine manière de concevoir l’économie est entrée en crise, et la leçon que l’on peut tirer des événements de ces derniers mois est que l’économie doit cesser d’être entraînée par la composante financière et spéculative, en revenant à sa fonction primaire de soutien de la croissance et de l’activité de production.

Dans ce contexte, il est extrêmement important d’être conscient que les pays, individuellement, ne peuvent pas affronter, seuls, une crise aux dimensions globales. L’Union européenne peut mieux concourir, avec les États-Unis et les autres pays, à identifier les solutions les plus efficaces pour surmonter les difficultés actuelles. Les Parlements subissent en moindre mesure, par rapport aux Gouvernements, la pression dérivant des sollicitations pour que des actions immédiates soit adoptées : ils peuvent donc se porter candidats à jouer un rôle plus structuré et exhaustif en expérimentant également des solutions innovantes. Ceci, néanmoins, ne doit pas nous effrayer : les crises graves sont aussi une occasion pour ceux qui ambitionnent de ne pas rester inertes et qui ne renoncent pas à jouer un rôle actif. Nous devons repenser la fonction de nos Parlements, dans une dimension européenne, en visant à sauvegarder et renforcer leur portée décisive.

Il est nécessaire de travailler pour rénover les outils et le langage des Parlements afin de leur permettre de se poser, sur le plan politique et institutionnel, comme le lieu privilégié d’élaboration et d’approfondissement des thèmes les plus importants, en évitant, d’une part, le contraste stérile entre point de vue préétablis et préjugés opposés et, d’autre part, la prétention de rivaliser avec les Gouvernements dans la définition détaillée des contenus des différentes mesures. En revanche, les Parlements doivent travailler pour définir le cadre dans lequel chaque mesure doit être ramenée, en cernant les lignes générales d’orientation nécessaires pour éviter la fragmentation et le caractère hétérogène des différentes mesures. Dans cette optique, les Parlements peuvent garantir le lien nécessaire, dans une logique de subsidiarité, entre la dimension européenne et la dimension interne, en sollicitant également les institutions européennes à se concentrer sur les choix stratégiques.