Le Sénat représente authentiquement le corps politique d’un pays.

 

Najma Heptulla – Vice présidente du Conseil des États de l’Inde et Présidente du Conseil de l’Union Interparlementaire

S‘il me plaît de siéger parmi les membres de Parlement de mon pays, j’ai également éprouvé un grand bonheur à me retrouver aux côtés des chefs de file des Chambres hautes du monde entier. Cela fait de nombreuses années que j’exerce mon mandat de parlementaire? J’ai donc été amenée à apprécier les responsabilités auxquelles nous sommes confrontés et à mesurer combien il est important de nous situer en avant garde de la démocratie.

 

Le Sénat est sans doute le meilleur instrument pour engager les réformes nécessaires au sein des Institutions démocratiques. Les deux Chambres du Parlement doivent être complémentaires face aux Gouvernements démocratiques.

Les Collèges électoraux permettent la représentation de personnes qui n’ont généralement pas les moyens de se faire entendre dans les Assemblées. Dans un grand nombre de cas, le Sénat représente les circonscriptions des fédérations. C’est très important pour de grands pays, tels que l’Inde !

En Inde, seul le Conseil des États a, sous certaines conditions, le pouvoir de faire inscrire des Etats sur une liste fédérale. En 1948, nous avons adopté le système en vigueur en Grande-Bretagne pour la Chambre des Communes. La plupart des Constitutions prévoient qu’en cas d’urgence, les Gouvernements fédéraux peuvent disposer de pouvoirs particuliers dont l’exercice est légitimé par les Sénats, en leur qualité de représentants des unités fédérales. En Inde, il existe une disposition autorisant, le cas échéant, le Président à trancher, mais cette règle ne saurait être appliquée sans être entérinée par le Parlement.

Dans mon pays, le Président nomme douze membres éminents au Conseil des États afin qu’ils puissent faire entendre leur bon sens. Dans certains pays, il arrive que les membres de certaines communautés soient représentés au Sénat, où ils s’expriment au nom de leurs communautés.

En conséquence, le Sénat représente authentiquement le corps politique d’un pays. Il permet aux franges de la société, aux franges géographiques, ethniques et sociales de se faire entendre. Il représente des aspects de la réalité politique qui, autrement, disparaîtraient dans l’effervescence des élections directes. La démocratie donne du poids à l’opinion majoritaire, mais aussi aux opinions de ceux qui restent à l’écart. Pour être en mesure d’inspirer d’une manière continue l’exécutif, il faut que les Parlements puissent s’appuyer sur des éléments de permanence.

Dans plusieurs pays, ce sont les Sénats qui assument des responsabilités législatives en l’absence de Chambre basse. Ils conseillent le Gouvernement sur des questions d’actualité, avec souvent plus de recul et de modération face aux provocations politiques immédiates nées d’incertitude. Cela permet non seulement d’assurer la continuité dans le Gouvernement, mais aussi d’ouvrir des perspectives et de maintenir l’équilibre. La seconde Chambre peut intervenir à titre de vérification quand le Gouvernement est confronté à une minorité au Sénat. Mon expérience au Parlement indien me montre qu’une telle situation empêche le Gouvernement de travailler en toute impunité même s’il a une large majorité dans la Chambre.

Par ailleurs, le Sénat permet la représentation d’intérêts très variés. Il examine une deuxième fois les projets de loi qui ne correspondent pas à certains critères. Cela permet de remédier à certaines insuffisances de la législation. Le Parlement indien a mis en place des Commissions chargées de traiter un certain nombre de questions, notamment budgétaires. Les membres du Conseil des États sont représentés dans ces commissions et peuvent même parfois les présider. Les Sénats, font entendre une voix pleine de bon sens. Comme le dit le mahâbhârata : « Toute assemblée comporte des anciens dans ses rangs. Leurs propos sont toujours empreints de sagesse. La sagesse est toujours accompagnée de la vérité. Car la vérité ne débouche jamais sur la tromperie ».

C’est pourquoi de plus en plus nombreux sont les pays qui adoptent un système bicaméral. L’examen de la situation mondiale fait apparaître que plus d’un tiers des Parlements, c’est-à-dire soixante-cinq sur cent soixante-dix-sept, fonctionnent selon le principe bicaméral. Tandis que de nombreux Sénats existent depuis maintes décennies, certaines ont seulement été crées au début des années quatre-vingt-dix. On les trouve dans les nouvelles démocraties, en Afrique, en Asie et Amérique latine. Dans ces régions, d’autres pays envisagent de se doter également d’un Sénat.

D’après moi, les Sénats ont permis la fusion et la convergence entre démocratie et Gouvernement. Les Institutions démocratiques se sont progressivement développées, puis réformées grâce à l’expérience. Il était tout à fait légitime de se retrouver à Paris pour discuter du rôle et des perspectives des Sénats. Il est tout aussi normal que nous nous penchions sur les défis auxquels se trouvent confrontés les Gouvernements démocratiques.