« Une nouvelle ambition pour l’Europe »

Après des années de doutes et d’incertitudes, une relance européenne semble enfin en ordre de marche ! Ce sursaut, qui semblait hier encore illusoire, a été rendu possible par l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République. Face aux discours populistes qui, de toutes parts, faisaient de « Bruxelles » un bouc-émissaire idéal, il en a fallu du courage pour oser dire oui à l’Europe.

Si l’Europe est un vieux continent, l’Union européenne est une idée neuve. Cette agrégation d’États nations qui, librement, ont accepté d’unir leurs destins, constitue une expérience inédite dans l’Histoire. Les Français peuvent être fiers de cette aventure qui, sans eux, n’aurait guère été possible. Mais la France a aussi besoin d’Europe ! Sans elle, notre capacité d’influence risquerait de se réduire progressivement à peau de chagrin.

Pour s’en convaincre, il suffit de penser aux défis démographiques, économiques et politiques qui s’imposent à nous à l’aube de ce nouveau millénaire. Si en 1950, l’Europe représentait encore près d’un quart de la population mondiale ; en 2060, seuls 5% des habitants de la planète vivront encore sur notre continent, le seul à voir sa population drastiquement diminuer. Parmi les dix économies les plus puissantes du monde, quatre sont encore européennes en 2017 et, selon les projections actuelles, il n’y en aura plus qu’une seule en 2060, en bas de classement. Enfin, loin de la « fin de l’histoire » et de la pacification annoncée des relations internationales, les dernières années ont été marquées par une exacerbation des violences et des attaques terroristes.

Dans ce monde de conflits et d’incertitudes, la France ne pourra agir seule. L’Europe constitue à la fois notre meilleure arme et notre plus grande chance.

Promesse de paix et de réconciliation, l’Europe s’est imposée, au XXème siècle, comme un projet en construction. Au XXIème siècle, formons l’espoir que notre continent entre dans l’ère de la maturité. Si l’Union européenne reste imparfaite, beaucoup de chemin a déjà été parcouru depuis le discours fondateur de Robert Schuman du 9 mai 1950. Mais pour rester dans l’Histoire, pour continuer d’en être l’un des principaux protagonistes, l’Europe doit se réinventer et avoir le courage de ses ambitions.
Pour ma part, je souhaite que l’Europe du XXIème siècle soit celle de la protection, de l’innovation et, surtout, celle la confiance retrouvée de ses citoyens. Telle est, en partie, la feuille de route exposée par le Président de la République, Emmanuel Macron, lors de son discours de la Sorbonne du 26 septembre dernier.
Être Européen n’implique pas de renoncer à être Français ou Allemand. Bien au contraire, l’Europe doit être appréhendée comme un instrument de souveraineté complémentaire pour peser dans le monde et défendre nos intérêts. C’est aussi ce que prévoit l’Agenda de protection souhaité par la France.

L’un des chantiers les plus emblématiques à cet égard, est celui de la construction d’une Europe de la Défense. Les déclarations du Président des États-Unis sur l’OTAN ont démontré que l’Europe ne pourra éternellement déléguer à d’autres ce qui relève de ses intérêts vitaux. Consciente de ces enjeux, la Commission européenne a proposé la mise en place d’un Fonds européen de défense et d’une coopération structurée. La France, par la voix du Chef de l’État, soutient aussi la création d’une initiative européenne d’intervention, qui permettrait de mieux intégrer nos Forces armées. Une réflexion approfondie doit aussi être conduite sur la question des industries d’armement. Enfin, la lutte contre le terrorisme et la création d’une force commune de protection civile doivent aussi être considérées comme des priorités.
Par rapport aux autres continents, l’Europe dispose d’un avantage considérable, bien qu’il n’y paraisse pas : sa diversité. Cette diversité de perceptions, de cultures et d’approches doit être mise à profit d’une Europe de l’innovation. Notre plus grand défi est de penser le monde qui vient et d’anticiper les innovations de rupture que sont la transformation numérique et l’intelligence artificielle. Si elle a loupé la première révolution numérique au profit de compagnies presque exclusivement américaines, l’Europe doit se positionner à l’avant-garde des innovations technologiques. Plutôt que de subir ces transformations, nous devons affirmer un « modèle européen », combinant innovation et régulation numérique, avec une attention particulière à la protection des données personnelles.

Enfin, l’Europe du XXIème siècle doit aussi être celle de la confiance retrouvée de ses citoyens. L’organisation des conventions démocratiques souhaitées par le Président de la République constitue, à cet égard, un vrai défi. Mais pour réussir, cette vaste consultation devra éviter deux écueils : être imposée par le haut et ne pas intégrer une démarche pédagogique sur ce qu’est l’Europe et comment elle fonctionne.

Loin d’être un objet distant et lointain, l’Europe est au cœur de notre quotidien. Présidente de la Commission des Affaires européennes, c’est aussi ce que je souhaite démontrer. Les sujets européens doivent retrouver toute leur place dans l’Hémicycle. Depuis la rentrée, notre Commission a déjà effectué deux missions : l’une à Strasbourg, où nous avons rencontré le Président du Parlement européen, Antonio Tajani ; la seconde à Bruxelles, en présence du Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Ce séminaire de travail commun était une grande première et je souhaite renouveler l’expérience le plus souvent possible ! C’est aussi à nous, Députés français, d’amplifier la dynamique ouverte par le Président de la République. Les élus nationaux représentent le maillon manquant entre l’échelon européen et l’échelon territorial. Ils doivent jouer un rôle de pédagogie essentiel à l’affirmation d’une Europe plus souveraine et plus démocratique.
L’Europe est une création sui generis, sans équivalent dans le monde. Une œuvre politique inédite, qu’il convient de se réapproprier. Nul ne peut dire avec certitude aujourd’hui ce que sera l’Europe du XXIème siècle, mais ce qui importe, c’est que tout reste à écrire !