La construction de la paix :
un engagement continu
« Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec les peuples d’Outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique et le plus vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant rassemblement d’hommes libres. Jamais la guerre, la peur et la misère n’auront été mises en échec par un plus formidable adversaire », déclarait Denis de Rougemont dans son Message aux Européens, une année avant la création du Conseil de l’Europe, en 1949. Depuis, l’Organisation n’a eu de cesse de s’agrandir et compte aujourd’hui 47 États membres, représentant 820 millions de citoyennes et citoyens. Créé sur les décombres de la Deuxième Guerre Mondiale, le Conseil de l’Europe est aujourd’hui la plus grande Organisation paneuropéenne.
70 ans plus tard, nous ne devons toutefois pas oublier que la construction de la paix requiert un engagement continu et sans faille de chacune et chacun. Les vives attaques portées aujourd’hui dans plusieurs pays d’Europe contre la liberté d’expression, la liberté des médias et la liberté de réunion, les dérives anti-démocratiques, la montée des discours nationalistes et populistes, les menaces dirigées contre l’État de droit ou encore, la mise en cause de l’autorité de la Cour de Strasbourg fragilisent le système de valeurs et de normes fondé sur la Convention européenne des Droits de l’Homme. Cette réalité doit nous amener, plus que jamais, à défendre avec force et conviction les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.
En tant que Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), je vise, au cours de cette année qui marque le 70ème anniversaire de l’Institution, à renforcer le rôle de l’APCE en tant que Forum paneuropéen de dialogue interparlementaire, car c’est là l’une des clés du succès de notre Conseil. Dans le même esprit de dialogue, je souhaite également consolider les relations inter-institutionnelles, notamment entre l’Assemblée et le Comité des Ministres. Nous devons, là aussi, mener des échanges francs et ouverts, qui respectent les prérogatives, les rôles et les spécificités des unes, des uns et des autres, mais qui se focalisent surtout sur ce qui nous unit, à savoir, les objectifs du Conseil de l’Europe.
Au cours des dernières années, les allégations sans précédent faisant état de corruption parmi les membres de l’Assemblée ont terni l’image de cette dernière et entaché la crédibilité de notre Organisation. Nous avons toutefois pris le problème très au sérieux et nous y sommes attaqué(e)s de manière directe et transparente. Une autre de mes priorités est de poursuivre sur cette voie, afin de prévenir et de lutter contre des comportements contraires à l’éthique, qui nuisent au travail essentiel que réalise le Conseil de l’Europe.
Enfin et avant tout, j’entends promouvoir activement l’égalité entre les femmes et les hommes. Cet engagement se décline en plusieurs axes, tels que l’utilisation de l’écriture inclusive au sein de notre Institution, la promotion et la défense de la Convention d’Istanbul ou encore, la lutte contre le sexisme et le harcèlement. Comme vous le savez certainement, l’Union Interparlementaire et le Conseil de l’Europe ont réalisé conjointement une étude sur le harcèlement et le sexisme au sein des Parlements européens. Cette importante étude se base sur des entretiens avec 123 femmes de 45 pays européens, dont 81 femmes parlementaires et 42 femmes membres du personnel parlementaire. Ces entretiens révèlent un problème systémique au sein des Parlements européens, recouvrant des faits de violence, mais aussi toute une attitude sexiste qui rendrait de tels agissements presque acceptables.
Ainsi, l’étude a démontré que plus de 85% des femmes parlementaires qui y ont participé ont été victimes de violence psychologique pendant leur mandat. Près de 68% ont été confrontées à des remarques sur leur apparence physique ou à des stéréotypes de genre. Et près du quart des femmes parlementaires ont été victimes de harcèlement sexuel. De même, 40.5% des femmes membres du personnel parlementaire ont été victimes de harcèlement sexuel, 50% ont indiqué avoir fait l’objet de remarques sexistes ou de nature sexuelle et 19.6% des répondantes ont subi du harcèlement moral dans leur travail au Parlement. À la lecture de ces résultats, il est clair qu’il est de notre responsabilité d’agir pour une égalité réelle. Nous devons continuer à faire évoluer les mentalités à travers l’action, la dissolution des tabous et le refus de se taire. La parole et l’échange sont ici essentiels pour pouvoir opérer les changements nécessaires au niveau législatif, comme au niveau des pratiques.
Afin de rendre visible la réalité dévoilée par cette étude et de concrétiser la nécessité d’agir, j’ai lancé l’initiative #PasDansMonParlement.
Cette campagne sur les réseaux sociaux se veut un outil pour lutter contre toute intimidation à l’égard des femmes, les comportements sexistes, le harcèlement et la violence. Cette initiative ne se cantonne pas uniquement à l’arène politique et a pour vocation d’inciter au lancement de campagnes similaires, telles que #PasDansMaVille, #PasDansMonUniversité et en d’autres lieux encore, partout où cela est nécessaire.
J’ai, en outre, décidé de développer un projet visuel et demandé à Monsieur Romain Goetz, graphiste, illustrateur et artiste, titulaire d’un master de la Haute Ecole d’art du Rhin de Strasbourg, de réaliser six illustrations évoquant les situations dévoilées par l’étude. Je souhaite maintenant promouvoir ce travail au sein des Parlements nationaux et espère voir ces réalisations exposées prochainement partout en Europe !