« Forger la nouvelle OTAN… »

Monsieur le Secrétaire général, le dernier Sommet de l’OTAN qui a eu lieu pratiquement onze ans après le 50ème anniversaire de l’Organisation, a-t-il marqué selon vous un tournant de son Histoire ?

Le Sommet à Lisbonne a été en effet l’un des plus importants dans l’Histoire de l’Organisation. Nous allons forger la nouvelle OTAN et adopter un nouveau concept stratégique qui va mettre en place une alliance plus efficace, plus engagée et plus efficiente. Plus efficace dans l’exécution de nos missions, plus engagée avec le reste du monde et plus efficiente pour utiliser l’argent des contribuables. Concrètement, les points majeurs concernent l’investissement dans les domaines de la défense anti-missile, le secret défense, le transport longue distance. Nous renforcerons nos partenariats et il faudra que l’alliance puisse s’engager avec les acteurs les plus importants sur la scène internationale pour accomplir notre mission de sécurité. Nous allons également rationaliser nos structures administratives, en réduisant par exemple le nombre de postes dans le commandement militaire de plus de 30 % et en diminuant les Etats majors, ainsi que le nombre des agences.

Vous parliez à l’instant du renforcement de la coopération avec les grands acteurs internationaux… J’imagine que vous avez présent à l’esprit la Russie. D’ailleurs, vous avez eu de nombreux contacts avec le Président Medvedev. Récemment, il y a eu le Sommet franco-germano-russe à Deauville, durant lequel il a accepté votre invitation de venir à l’OTAN. J’imagine que la stratégie actuelle est d’amener progressivement la Russie, qui a toujours été méfiante vis-à-vis de l’OTAN et un peu de l’Europe, à s’ancrer à l’ouest. Êtes-vous optimiste à ce sujet ?…

Oui. J’envisage des rapports tout à fait positifs. Mon objectif est de développer un partenariat stratégique entre l’OTAN et la Russie. J’ai fait une récente visite à Moscou durant laquelle nous avons eu des discussions très constructives qui m’ont permis d’envisager en particulier le développement d’une collaboration concernant la défense anti-missile sur l’Afghanistan et la lutte contre le terrorisme.

Installations ultra-modernes, conception novatrice et bâtiment BBC, l’architecture du nouveau siège de l’OTAN à Bruxelles se veut le reflet tout à la fois de l’unité de l’Alliance et des changements du monde…

Avez-vous senti aujourd’hui les Russes beaucoup plus réceptifs à votre proposition et moins méfiants vis-à-vis de l’OTAN ? Est-ce prématuré de parler d’intégration ?…

Je pense qu’une approche serait réaliste. C’est un partenariat stratégique. Nous avons toujours d’importantes disputes concernant la Géorgie. Cependant, il y a des domaines où nous partageons des intérêts, comme l’Afghanistan, la lutte contre le terrorisme, les drogues ou la piraterie. Et nous nous devons de développer une coopération pratique dans ces domaines.

Jusqu’à quel degré l’OTAN peut-elle s’impliquer dans la lutte contre le terrorisme, à la fois à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale ?

La menace du terrorisme est un défi global. Et en fait, c’est, vous le savez, la raison pour laquelle nous sommes en Afghanistan. Notre présence militaire est fondée sur le fait que notre sécurité était menacée par le terrorisme afghan pendant la période des Talibans. Nous sommes donc en Afghanistan pour nous assurer de la sécurité de nos populations. La lutte contre le terrorisme national est une responsabilité pour chaque nation, mais c’est aussi un défi global, pour lequel il faut améliorer l’échange des informations et le service des renseignements.

Est-il difficile pour vous d’expliquer à l’opinion publique occidentale que la sécurité de l’Occident dépend en grande partie de la façon dont on gère les informations en Afghanistan ?

Tout le monde sait très bien que l’attaque contre les Etats-Unis en 2001 a été programmée en Afghanistan, c’est un fait. Il faut revenir aux racines de cette menace. Et c’est pourquoi, j’insiste, nous sommes là-bas.

On a souvent l’impression que les Talibans sont en train de gagner cette guerre. Et puis, est-ce que le Président Karzai est fiable quand on voit le type de relations qu’il entretient avec le Président Ahmadinejad, qui, entre nous, n’est pas un saint ? En ce qui concerne l’Afghanistan, laissez-moi souligner que nous resterons là-bas aussi longtemps que nécessaire pour finir notre travail. Et nous approuvons l’ambition du Président Karzai concernant les Forces de sécurité afghanes qui devront assumer leurs responsabilités partout en Afghanistan à la fin 2014. C’est un processus qui est naturellement fondé sur les conditions de sécurité sur place. C’est un but réaliste à mon avis.

Avez-vous confiance en l’avenir en Afghanistan malgré tous les problèmes qui se posent ?

Je suis confiant et nous avons fait des progrès significatifs pendant 12 mois. Nous avons augmenté le nombre de troupes internationales. Nous avons entraîné des soldats et des policiers afghans et nous allons continuer ce développement de la capacité des Forces de sécurité afghanes en vue de transférer graduellement la responsabilité aux Afghans. C’est donc une stratégie très réussie.

Propos recueillis par
Christian Malard
(2010)

Anders Fogh Rasmussen, Secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord